jeudi 28 janvier 2021

Séance de jeudi 28 et vendredi 29 janvier Antoine Watteau (1684-1721), Comédiens italiens (huile sur toile 63,8x76.2), Washington, National Gallery of Art.

 

Séance du jeudi 28 et vendredi 29 janvier 2021

Bonjour, j'espère que vous vous portez bien. 

1) Effectuez des recherches sur "La Commedia dell'Arte": origines, caractéristiques et personnages de ce théâtre. ( prise de notes) 

2) Décrivez ce tableau en dix lignes.

3) Proposez des liens possibles entre ce tableau, la pièce et les personnages des Caprices de Marianne.

Deux élèves seront interrogés à l'oral sur ce travail le vendredi 5 février.

A bientôt chers élèves ! 




mardi 26 janvier 2021

RAPPEL Récitation IMPORTANT Les Caprices de Marianne, Musset

 La récitation de la pièce est reportée au mercredi 3 février à 9H.

Séance du mercredi 26 janvier 2021 - Commentaire Acte II scène première. Les Caprices de Marianne, Musset

 

Voici ce qui était prévu ce jour: travailler le commentaire de texte. 

Lisez au moins deux fois ce texte. Etudiez le. ( 20 mn) 

Avant de lire le commentaire, notez vos impressions et les éléments d'analyse que vous avez repérés. (20 mn) 

Étudiez très sérieusement le commentaire de ce texte. Préparez-vous une fiche pour conserver l'essentiel de l'analyse dans votre classeur. ( 1H) 

Alfred de Musset, Les Caprices de Marianne, 1833


Texte 2 : Acte II scène première 

OCTAVE.

Belle Marianne, vous dormirez tranquillement. Le cœur de Coelio est à une autre, et ce n'est plus sous vos fenêtres qu'il donnera ses sérénades.

MARIANNE.

Quel dommage ! Et quel grand malheur de n'avoir pu partager un amour comme celui-là ! Voyez ! Comme le hasard me contrarie ! Moi qui allais l'aimer.

OCTAVE.

En vérité ?

MARIANNE.

Oui, sur mon âme, ce soir ou demain matin, dimanche au plus tard, je lui appartenais. Qui pourrait ne pas réussir avec un ambassadeur tel que vous ? Il faut croire que sa passion pour moi était quelque chose comme du chinois ou de l'arabe, puisqu'il lui fallait un interprète, et qu'elle ne pouvait s'expliquer toute seule.

OCTAVE.

Raillez, raillez ! Nous ne vous craignons plus.

MARIANNE.

Ou peut-être que cet amour n'était encore qu'un pauvre enfant à la mamelle, et vous, comme une sage nourrice, en le menant à la lisière, vous l'aurez laissé tomber la tête la première en le promenant par la ville.

OCTAVE.

La sage nourrice s'est contentée de lui faire boire d'un certain lait que la vôtre vous a versé sans doute, et généreusement ; vous en avez encore sur les lèvres une goutte qui se mêle à toutes vos paroles.

MARIANNE.

Comment s'appelle ce lait merveilleux ?

OCTAVE.

L'indifférence. Vous ne pouvez ni aimer ni haïr, et vous êtes comme les roses du Bengale, Marianne, sans épine et sans parfum.

MARIANNE.

Bien dit. Aviez-vous préparé d'avance cette comparaison ? Si vous ne brûlez pas le brouillon de vos harangues, donnez-le-moi de grâce, que je les apprenne à ma perruche.

OCTAVE.

Qu'y trouvez-vous qui puisse vous blesser ? Une fleur sans parfum n'en est pas moins belle ; bien au contraire, ce sont les plus belles que Dieu a faites ainsi ; et le jour où, comme une Galatée d'une nouvelle espèce, vous deviendrez de marbre au fond de quelque église, ce sera une charmante statue que vous ferez, et qui ne laissera pas que de trouver quelque niche respectable dans un confessionnal.

MARIANNE.

Mon cher cousin, est-ce que vous ne plaignez pas le sort des femmes ? Voyez un peu ce qui m'arrive. Il est décrété par le sort que Coelio m'aime, ou qu'il croit m'aimer, lequel Coelio le dit à ses amis, lesquels amis décrètent à leur tour que, sous peine de mort, je serai sa maîtresse. La jeunesse napolitaine daigne m'envoyer en votre personne un digne représentant, chargé de me faire savoir que j'aie à aimer ledit seigneur Coelio d'ici à une huitaine de jours. Pesez cela, je vous en prie. Si je me rends, que dira-t-on de moi ? N'est-ce pas une femme bien abjecte que celle qui obéit à point nommé, à l'heure convenue, à une pareille proposition ? Ne va-t-on pas la déchirer à belles dents, la montrer au doigt, et faire de son nom le refrain d'une chanson à boire ? Si elle refuse au contraire, est-il un monstre qui lui soit comparable ? Est-il une statue plus froide qu'elle, et l'homme qui lui parle, qui ose l'arrêter en place publique son livre de messe à la main, n'a-t-il pas le droit de lui dire : Vous êtes une rose du Bengale, sans épine et sans parfum ?

OCTAVE.

Cousine, cousine, ne vous fâchez pas.

MARIANNE.

N'est-ce pas une chose bien ridicule que l'honnêteté et la foi jurée ? Que l'éducation d'une fille, la fierté d'un cœur qui s'est figuré qu'il vaut quelque chose, et qu'avant de jeter au vent la poussière de sa fleur chérie, il faut que le calice en soit baigné de larmes, épanoui par quelques rayons de soleil, entr'ouvert par une main délicate ? Tout cela n'est-il pas un rêve, une bulle de savon que le premier soupir d'un cavalier à la mode doit évaporer dans les airs ?

OCTAVE.

Vous vous méprenez sur mon compte et sur celui de Coelio.

MARIANNE.

Qu'est-ce après tout qu'une femme ? L'occupation d'un moment, une coupe fragile qui renferme une goutte de rosée, qu'on porte à ses lèvres et qu'on jette par-dessus son épaule. Une femme ! C'est une partie de plaisir ! Ne pourrait-on pas dire quand on en rencontre une : Voilà une belle nuit qui passe ? Et ne serait-ce pas un grand écolier en de telles matières que celui qui baisserait les yeux devant elle, qui se dirait tout bas : « Voilà peut-être le bonheur d'une vie entière, » et qui la laisserait passer ?


Elle sort.


OCTAVE, seul.

Tra, tra, poum ! Poum ! Traderila la. Quelle drôle de petite femme ! Hai ! 

Il frappe à une auberge.

Holà ! Apportez-moi ici, sous cette tonnelle, une bouteille de quelque chose.




Octave a déjà été éconduit par Marianne alors qu’il se faisait l’interprète de Coelio. Il fait alors une deuxième tentative au moment où elle se rend à l’église. 

Dialogue polémique qui correspond au discours judiciaire définit par Aristote : Accuser et défendre. C’est un conflit de force. 

Nouvelle stratégie d’Octave : il pique la jalousie de Marianne : Coelio ne l’aime plus. L’effet est raté. Marianne ironise.

I La confrontations des deux personnages : les accusations

L’ironie cinglante de Marianne

La feinte des regrets. Discours antiphrastique. 

La métaphore filée du petit enfant. Elle se moque d’Octave comparé à une « sage nourrice ».

Les accusations de Marianne : les libertins méprisent les femmes : deux formes de déshonneur : la femme facile et le monstre de froideur. 

Le procès de l’attitude cynique des jeunes libertins : la femme est condamnée quelle que soit son attitude.

Marianne dénonce l’impudence d’Octave : il la détourne de ses devoirs religieux. Cela n’a rien de sacré pour lui.


Octave, l’ambassadeur, accuse Marianne d’insensibilité.


Il assume son rôle d’ambassadeur comme le prouve l’emploi du « nous » utilisé communément par les avocats pour faire corps avec leur client et sa cause. « nous ne vous craignons pas ».

La femme est soit une statue : « Galatée » qui devient une stèle funéraire, une dévote soit elle se place hors de la nature : « rose sans parfum ».

II Le plaidoyer de Marianne en faveur de la condition féminine et sa conception de l’amour.

Opposition à la conception d’Octave : ne pas aimer, c’est ne pas vivre. Métaphore de la statue de marbre.

    a) La défense du « sort des femmes ».

Analyse de l’argumentation de Marianne des lignes 28 à 40

Captatio benevolentiae: déférence feinte « Mon cher cousin »

La narration : forme impersonnelle qui dénonce le pouvoir des conventions ou des mœurs des libertins. 

Pastiche de la terminologie judiciaire : « il est décrété… lequel Coelio…ledit seigneur » : elle est encore la femme de Claudio.

Périphrase ironique : « la jeunesse napolitaine » pour Coelio, Octave et les libertins.

Dénonciation de l’enchainement fatal avec la reprise de « amis ».

Hyperbole « sous peine de mort » caractère impérieux d’aimer qui n’est pas sans faire penser à son mariage avec Claudio.

La confirmation : questions rhétoriques qui fustigent l’attitude et les préjugés des libertins. Elle souligne l’indignité de la conduite d’Octave. Sa vie de Dom Juan épicurien est dénoncée par « le refrain d’une chanson à boire ».

Péroraison : reprise ironique de la métaphore d’Octave.

La conception de l’amour de Marianne : 

Ironie de Marianne l42 : question rhétorique ironique

Les valeurs morales : « honnêteté », « un cœur qui vaut quelque chose » et les sentiments : « bonheur ».

Paradoxe : on lui a imposé Claudio.

Ce passage, osé en 1833, est une envolée lyrique qui par le jeu des métaphores : « fleur chérie » souligne la passion et l’exaltation de Marianne en évoquant le besoin qu’on lui dise sa valeur, qu’on implore avec délicatesse son cœur et que cette cour assidue soit pour elle un bonheur.

Elle file la métaphore de la fleur employée par Octave et joue sur les connotations sexuelles : elle souhaite que « son calice baigné de larmes » puisse « s’épanouir » et « s’entrouvrir par une main délicate ».

       c) La victoire de Marianne : Octave ne formule que des négations. Répliques brèves. Marianne écrase l’entretien de son éloquence. Elle l’humilie en sortant sans qu’il puisse répliquer. Il est transformé en pantin ridicule et l’humour et l’alcool sont ses seules échappatoires.

III Un duel qui ressemble aussi à un duo.

a) Marianne révèle une inclination pour Octave

Elle réagit aussi vivement bien qu’elle aille à la messe parce qu’elle n’est pas indifférente à Octave.

On pressent une louange dans sa question oratoire : «  Qui pourrait ne pas réussir avec un ambassadeur tel que vous ? ». Son ironie cache mal son sentiment.

De même, elle semblait rebutée par la jeunesse excessive de Coelio « enfant à la mamelle » tandis qu’elle apprécie la maturité pleine d’expérience d’Octave assimilé à la « sage-nourrice ».

b) Octave admet implicitement la beauté de Marianne

Octave laisse trainer dans son discours des marques louangeuses de sa beauté :

La comparaison avec la rose est d’abord flatteuse et évoque une invitation épicurienne à la manière de Ronsard. Il faut cueillir Marianne qui est jeune et belle.

La référence à Galatée est un aveu raffiné à l’amour ou au moins à l’affection et l’admiration qu’Octave porte à Marianne. (Dans la mythologie, cette statue d’ivoire était si parfaite que son sculpteur Pygmalion en tomba amoureux. Vénus, touchée par cet amour sincère, donna vie à la statue et présida au mariage elle-même.)

 On constate une pudeur authentique de la part des deux jeunes gens.

Conclusion : bilan


Ouverture : Marianne est un agent du destin tragique.

Il semble que Marianne se trompe d’interlocuteur : elle qui attend : « ce grand écolier qui baisserait les yeux devant elle, qui se dirait tout bas » (…) « voilà peut-être le bonheur d’une vie entière », elle refuse justement Coelio qui incarne toutes ces exigences et à contrario, elle est séduite par le libertin ! Musset veut-il nous dire qu’il n’existe pas de communication amoureuse et qu’on se trompe toujours dans ses désirs comme dans ses amours ? Marianne ne chercherait-elle pas quelque amour libertin, secret inavouable pour une femme mariée ? Perçoit-elle la fibre sensible de l’idéaliste déçu qui pourrait être heureux avec elle ?

Pour aller plus loin: 

Les cinq parties de la rhétorique antique

Les traités de l’orateur divisent les tâches de l’orateur en cinq étapes.

-L’invention : c’est la recherche des idées et des arguments.

-La disposition : c’est l’art d’ordonner, d’assembler selon un plan le discours.

Le discours antique était très codifié. L’orateur respecte cinq étapes :

L’exorde : c’est l’introduction. Il faut capter l’attention. C’est la captatio benevolentiae (requête de la bienveillance).

La narration : c’est l’exposé des faits nécessitant de la part de l’orateur des talents de narration et de description.

La confirmation : c’est l’énoncé des arguments et des preuves. Cicéron préconise de commencer par les arguments décisifs.

La digression : Elle doit distraire l’auditoire. C’est une parenthèse qui joue sur les émotions tantôt en amusant tantôt en provoquant l’indignation ou la pitié. Elle s’écarte du sujet stricto sensu.

La péroraison : c’est le morceau de bravoure final où l’orateur mise sur le passionnel.

-L’élocution : le terme ici est trompeur : ce sont les techniques relatives à l’écriture des discours, c’est l’étude du style, des ornements et des procédés esthétiques.

-L’action : c’est l’ensemble des techniques orales : travail de la voix, attitudes corporelles.

-La mémoire est la mémorisation du discours.


mercredi 7 octobre 2020

Ecriture poétique-entraînement en vue de l'évaluation de mercredi 14 octobre

 

 La poésie du Moyen Âge au XVIIIe siècle

 

Séquence : écrire la nature.

 

Pour vous entraîner car mercredi 14, vous aurez un poème à écrire à partir d'un tableau lors d'une évaluation de deux heures. Ce n'est pas négociable.

 

Sujet d’appropriation: écrire un poème lyrique inspiré du tableau de J.S Sargent peint en 1908 qui s’intitule « Le Ruisseau noir ».

 

Le thème de la nature qui doit être célébrée sera dominant et se mêlera à d’autres croisés lors de la séquence comme un moment de la journée ( le crépuscule pour ne pas reprendre l’aube…),  la fuite du temps, l’amour…

 

Votre poème aura la forme d’un sonnet.

 

 

Le tableau est un point de départ pour stimuler votre imagination. Vous pouvez décrire des éléments de la nature qui ne sont pas présents sur ce tableau.

 


Cours sur le genre de la fable à étudier pour jeudi 15 octobre

 

La fable

Par son étymologie, fabula en latin, le mot « fable » possède des sens diversifiés : récit oral et plaisant, propos relevant de la conversation, apologue terminé par une moralité.

Ainsi se révèlent certaines caractéristiques d’un genre qui remonte à l’Antiquité et dont les fonctions englobent le divertissement, l’enseignement, la réflexion et la critique.

Ses origines :

On considère que la création de la fable remonte à l’écrivain grec Esope (VI ème siècle avant J.-C.). Cet esclave doté d’un esprit acéré avait pris l’habitude de transcrire de petits récits terminés par une réflexion morale les relations qu’il avait avec son maître. Plus tard, Phèdre (Ier siècle avant J.-C.) reprend en latin, la même inspiration pour construire de petites fables.

Au XVIème siècle, l’italien Abstemius s’inscrit dans cette lignée. Parallèlement, la littérature orientale offre de nombreux exemples de petits récits moralisateurs. Ceux de l’indien Pilpay sont traduits en 1644. La Fontaine dispose donc de sources différentes.

Ses caractéristiques :

La fable est un texte en vers le plus souvent, en général bref, de forme narrative, mettant en scène des êtres humains ou des animaux.

-Un texte narratif : la fable est un récit. Ce caractère se perçoit à l’existence d’une succession d’actions, de situations ou de faits, à une évolution spatio-temporelle (souvent marquée par des articulations chronologiques), au passage d’un état initial à un état final. Les temps verbaux, imparfait, passé simple sont ceux du récit. Le présent intervient pour actualiser la situation ou la généraliser.

-Les personnages humains : Ils appartiennent à des catégories dont ils représentent l’exemple- type : un jardinier, un seigneur, deux amis, une veuve, un sage, un berger... Facilement reconnaissables, ils sont les porte-parole d’une condition qui entretient avec son environnement humain des relations souvent conflictuelles ou insolites. Ils sont également représentatifs de l’époque (référence à la cour chez La Fontaine).

-Les animaux : ils sont traditionnellement les personnages des fables. Chargés d’une signification symbolique, ils permettent un phénomène de transposition des comportements et des caractères. La cruauté est représentée par le loup, la ruse par le renard, la puissance par le lion, l’innocence par l’agneau. La loi naturelle, présentée souvent comme une loi de la jungle, constitue la référence pour décrypter le monde humain.

-Les thèmes : ils sont aussi diversifiés que ceux de la vie sociale ou de la vie politique. On trouve les rapports de pouvoir, les conflits familiaux, entre voisins, les rivalités petites et grandes. Solitude, vieillesse, relations parents/enfants, différentes manières de prendre la vie, rapports de l’homme avec la nature, tout est bon pour le fabuliste qui tire de cette multiplicité d’anecdotes une morale souvent pessimiste.

Fonctions de la fable

Le divertissement

Récit court, interrompu de dialogues au style direct ou indirect libre, la fable tire son charme d’une concision qui en quelques mots crée un monde d’images et de situations concrètes. Le rythme est donné  par les vers de longueur différente, par les articulations logiques et chronologiques. Les mésaventures des animaux font rire ou sourire. La mise à distance est suffisante pour éloigner les similitudes trop douloureuses. Le lecteur de la fable est spectateur d’une scène qui le concerne, mais dans laquelle il ne se sent pas réellement impliqué.

L’enseignement

Généralement, la fable comporte une moralité qui ouvre ou ferme le récit. Les vérités énoncées dressent une sorte de bilan de la nature humaine et des fonctionnements sociaux.

On trouve aussi des préceptes de sagesse et des recommandations diverses.

On peut considérer enfin que la fable permet un discours critique à l’abri de la censure. Elle dénonce à travers la mise en scène les dysfonctionnements sociaux, politiques et les abus.

Selon Jean de La Fontaine, Le récit est « le corps » de la fable. La morale en est « l’âme ».

Ecrire la nature-séance sur une fable-pour jeudi 15 octobre

 

La poésie du Moyen Âge au XVIIIe siècle

Séquence : écrire la nature.

Séance: la poésie au XVIIème siècle.

Jean de La Fontaine

« La forêt et le bûcheron »

Livre XII, fable 16

Genre étudié : la fable

 

Un bûcheron venait de rompre ou d’égarer
Le bois dont il avait emmanché sa cognée (1).
Cette perte ne put sitôt se réparer
Que la forêt n’en fût quelque temps épargnée.
L’homme enfin la prie humblement
De lui laisser tout doucement
Emporter une unique branche,
Afin de faire un autre manche :
Il irait employer ailleurs son gagne-pain ;
Il laisserait debout maint chêne et maint sapin
Dont chacun respectait la vieillesse et les charmes.
L’innocente forêt lui fournit d’autres armes.
Elle en eut du regret. Il emmanche son fer.
Le misérable ne s’en sert
Qu’à dépouiller sa bienfaitrice
De ses principaux ornements.
Elle gémit à tous moments :
Son propre don fait son supplice.

Voilà le train du monde et de ses sectateurs (2) :
On s’y sert du bienfait contre les bienfaiteurs.
Je suis las d’en parler ; mais que de doux ombrages
Soient exposés à ces outrages,
Qui ne se plaindrait là-dessus ?
Hélas ! j’ai beau crier et me rendre incommode (3) :
L’ingratitude et les abus (4)
N’en seront pas moins à la mode. 

 

(1) sa cognée, c'est-à-dire sa hache.

(2) Voilà le train du monde et de ses sectateurs : voilà comment vivent ceux qui sont dans le  monde ainsi que ceux qui les imitent en suivant leurs manières de faire.

(3) incommode : agaçant, importun. La Fontaine semble lassé de dénoncer aussi souvent les tromperies et les ingratitudes.

(4) les abus : excès

Votre travail :

Comment La Fontaine oppose-t-il la cruauté et l’ingratitude de l’homme face à la bonté de la forêt ?

Rédigez une partie de commentaire qui se composera de trois arguments et d’éléments d’analyse stylistiques pour répondre à cette question. (25 lignes au moins) 

 

 

Prolongement

 

La Fable du monde, Jules Supervielle, 1938

 

« Docilité »

 

La forêt dit : "C'est toujours moi la sacrifiée,
On me harcèle, on me traverse, on me brise à coups de hache,
On me cherche noise(1), on me tourmente sans raison,
On me lance des oiseaux à la tête ou des fourmis dans les jambes,
Et l'on me grave des noms auxquels je ne puis m'attacher.
Ah ! On ne le sait que trop que je ne puis me défendre
Comme un cheval qu'on agace ou la vache mécontente.
Et pourtant je fais toujours ce qu'on m'avait dit de faire.
On m'ordonna : "Prenez racine." Et je donnai de la racine tant que je pus.
"Faites de l'ombre." Et j'en fis autant qu'il était raisonnable.
"Cessez d'en donner l'hiver." Je perdis mes feuilles jusqu'à la dernière.
Mois par mois et jour par jour je sais bien ce que je dois faire,
Voilà longtemps qu'on n'a plus besoin de me commander.
Alors pourquoi ces bûcherons qui s'en viennent au pas cadencé ?
Que l'on me dise ce qu'on attend de moi, et je le ferai,
Qu'on me réponde par un nuage ou quelque signe dans le ciel,
Je ne suis pas une révoltée, je ne cherche querelle à personne.
Mais il semble tout de même que l'on pourrait bien me répondre
Lorsque le vent qui se lève fait de moi une questionneuse."

 

 

(1) : chercher noise = chercher querelle

 

Votre travail

1) Qui parle dans ce poème ? Mettez en évidence toutes les marques du discours direct. Qui sont les locuteurs ?

2) Justifiez le titre du poème « Docilité » par l’observation de ce que dit la forêt et la manière dont elle le dit.

3)  Par l’analyse des temps verbaux et le leurs valeurs, dites comment évolue le discours de la forêt. Quel est le registre dominant du poème ? Prouvez-le.

4) a) Le recueil est intitulé La Fable du monde. Retrouvez dans ce poème tout ce qui peut faire référence au genre poétique de la fable (exploitez le point théorique sur la fable ci-dessous).

b) Etablissez des points communs entre la fable de La Fontaine et le poème de Supervielle.

Séance de jeudi 28 et vendredi 29 janvier Antoine Watteau (1684-1721), Comédiens italiens (huile sur toile 63,8x76.2), Washington, National Gallery of Art.

  Séance du jeudi 28 et vendredi 29 janvier 2021 Bonjour, j'espère que vous vous portez bien.  1) Effectuez des recherches sur "La ...